
La prolifération de fausses informations scientifiques constitue un défi majeur pour nos sociétés démocratiques. Avec l’avènement des réseaux sociaux et la multiplication des canaux d’information, la désinformation scientifique s’est intensifiée, soulevant d’épineuses questions juridiques. Entre liberté d’expression et protection de la santé publique, les systèmes juridiques peinent à établir un cadre adapté pour réguler ce phénomène. Cet enjeu s’est révélé particulièrement saillant lors de la crise sanitaire du Covid-19, mais touche également des domaines comme le changement climatique ou les vaccins. L’analyse de la responsabilité en matière de désinformation scientifique nécessite d’examiner les fondements juridiques existants, leurs limites et les évolutions possibles face à ce phénomène complexe.
Fondements juridiques de la responsabilité en matière de désinformation
La question de la responsabilité juridique face à la propagation de fausses informations scientifiques s’inscrit dans un cadre normatif préexistant, mais qui n’a pas été spécifiquement conçu pour traiter ce phénomène. En France, plusieurs dispositifs juridiques peuvent être mobilisés pour sanctionner la désinformation scientifique.
Le droit de la presse, codifié par la loi du 29 juillet 1881, offre un premier fondement. La diffamation (article 29) et la publication de fausses nouvelles (article 27) peuvent s’appliquer lorsque des informations scientifiques erronées portent atteinte à l’honneur d’une personne ou sont de nature à troubler la paix publique. Toutefois, ces dispositions exigent des conditions strictes et ne couvrent pas toutes les formes de désinformation scientifique.
Le Code de la santé publique contient des dispositions spécifiques concernant la diffusion d’informations médicales. L’article L.1111-3 impose une obligation d’information claire, loyale et appropriée sur les risques des actes médicaux. Des sanctions sont prévues pour les professionnels de santé diffusant des informations trompeuses, notamment via l’article R.4127-13 du Code de déontologie médicale qui interdit toute pratique de charlatanisme.
Le Code de la consommation peut également être mobilisé lorsque la désinformation scientifique s’inscrit dans un contexte commercial. Les articles L.121-2 et suivants sanctionnent les pratiques commerciales trompeuses, incluant la diffusion d’allégations scientifiques infondées pour promouvoir un produit ou service.
Responsabilité des plateformes numériques
La loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) de 2004 définit le régime de responsabilité des hébergeurs et des éditeurs de contenu. Les plateformes comme Facebook, Twitter ou YouTube bénéficient généralement du statut d’hébergeur, limitant leur responsabilité aux contenus manifestement illicites dont ils ont connaissance et qu’ils n’auraient pas retirés promptement.
La loi contre la manipulation de l’information de 2018 a introduit une procédure de référé permettant de faire cesser la diffusion de fausses informations durant les périodes électorales. Bien que cette loi ne vise pas spécifiquement la désinformation scientifique, elle pourrait s’y appliquer dans certains cas.
Au niveau européen, le Digital Services Act (DSA) adopté en 2022 renforce les obligations des plateformes en matière de modération des contenus, incluant potentiellement la désinformation scientifique. Ce règlement impose aux très grandes plateformes des obligations de moyens pour lutter contre la diffusion de contenus illicites ou préjudiciables.
- Fondements civils : responsabilité délictuelle (article 1240 du Code civil)
- Fondements pénaux : diffamation, publication de fausses nouvelles
- Régulation sectorielle : santé, consommation, communication audiovisuelle
- Responsabilité des intermédiaires techniques : hébergeurs et éditeurs
Ces différents fondements juridiques constituent un arsenal complexe mais fragmenté, qui peine à appréhender la spécificité de la désinformation scientifique dans toutes ses dimensions.
Les limites du cadre juridique actuel face aux défis de la désinformation scientifique
Le cadre juridique existant présente plusieurs limites substantielles face au phénomène de la désinformation scientifique, rendant son application souvent inefficace ou inappropriée.
La première difficulté réside dans la tension entre la lutte contre la désinformation et la protection de la liberté d’expression. Cette liberté fondamentale, consacrée par l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, inclut le droit d’exprimer des opinions minoritaires ou controversées. La jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’homme affirme constamment que les restrictions à cette liberté doivent rester proportionnées et nécessaires dans une société démocratique.
Une deuxième limite concerne la définition même de la désinformation scientifique. Comment distinguer juridiquement une information scientifique erronée d’une hypothèse controversée mais légitime? La science progresse par le débat et la contradiction. Un encadrement juridique trop strict risquerait d’entraver la recherche en sanctionnant des positions minoritaires qui pourraient ultérieurement s’avérer exactes.
Le caractère transnational d’internet constitue une troisième difficulté majeure. Les contenus peuvent être hébergés dans des juridictions aux législations permissives, échappant ainsi aux autorités nationales. Cette dimension internationale complexifie considérablement l’application effective des règles juridiques nationales.
Problématiques procédurales et probatoires
Les obstacles procéduraux ne sont pas moins importants. La lenteur des procédures judiciaires contraste avec la viralité immédiate des fausses informations sur les réseaux sociaux. Lorsqu’une décision de justice intervient, le dommage est souvent déjà consommé et irréversible.
La question probatoire est particulièrement délicate. Comment établir juridiquement qu’une information scientifique est fausse, surtout dans des domaines où les connaissances évoluent rapidement? Les tribunaux ne sont pas nécessairement équipés pour trancher des controverses scientifiques complexes, nécessitant le recours à des expertises dont les conclusions peuvent elles-mêmes être disputées.
L’identification des responsables pose également problème. Dans l’écosystème numérique, la désinformation est souvent propagée par une multitude d’acteurs: créateurs initiaux, relais médiatiques, utilisateurs des réseaux sociaux, algorithmes de recommandation. Déterminer la part de responsabilité de chacun s’avère extrêmement complexe.
- Difficultés d’articulation avec la liberté d’expression et la liberté académique
- Problèmes de qualification juridique de l’information scientifique erronée
- Obstacles liés à la temporalité (viralité vs. lenteur judiciaire)
- Défis relatifs à l’établissement de la preuve et à l’expertise scientifique
Face à ces limites, le droit traditionnel semble mal armé pour répondre efficacement au phénomène de la désinformation scientifique. Cette inadéquation appelle à repenser les mécanismes de responsabilité juridique dans ce domaine spécifique.
Études de cas: jurisprudence et affaires emblématiques
L’examen de décisions judiciaires et d’affaires médiatisées permet d’illustrer concrètement comment s’articule la responsabilité en matière de désinformation scientifique.
L’affaire Andrew Wakefield constitue un cas d’école. Ce médecin britannique avait publié en 1998 dans la prestigieuse revue The Lancet une étude établissant un lien entre le vaccin ROR (rougeole-oreillons-rubéole) et l’autisme. Après la découverte de graves manquements éthiques et méthodologiques, l’article fut rétracté en 2010, et Wakefield radié de l’ordre des médecins. Cette affaire illustre la responsabilité professionnelle dans la diffusion de données scientifiques falsifiées. Les conséquences furent dramatiques: chute des taux de vaccination et résurgence d’épidémies de rougeole dans plusieurs pays.
En France, l’affaire du Mediator a mis en lumière la responsabilité des laboratoires pharmaceutiques dans la diffusion d’informations trompeuses. Les laboratoires Servier ont été condamnés en 2021 pour tromperie aggravée et homicides involontaires, ayant dissimulé les effets secondaires graves de leur médicament. Cette affaire souligne l’application possible du droit pénal et de la responsabilité civile dans les cas de désinformation scientifique délibérée.
Concernant les plateformes numériques, l’affaire Facebook/Cambridge Analytica a révélé l’ampleur de la manipulation informationnelle permise par les réseaux sociaux. Bien que centrée sur les données personnelles, cette affaire a conduit à une prise de conscience des responsabilités des plateformes dans la circulation d’informations, y compris scientifiques.
Jurisprudence relative à la pandémie de Covid-19
La crise sanitaire du Covid-19 a généré une jurisprudence significative en matière de désinformation scientifique. En France, le Conseil d’État a été saisi de plusieurs requêtes concernant la promotion de traitements non validés scientifiquement.
Dans une ordonnance du 22 mars 2020, la haute juridiction administrative a rejeté une demande visant à imposer la prescription d’hydroxychloroquine, estimant que l’évaluation des thérapeutiques relevait des autorités sanitaires et non du juge. Cette décision illustre la réticence des juridictions à s’immiscer dans les débats scientifiques.
L’Ordre des médecins a par ailleurs engagé des poursuites disciplinaires contre plusieurs praticiens pour diffusion d’informations non conformes aux données acquises de la science. Ces procédures ont soulevé d’intenses débats sur les limites de la liberté d’expression des professionnels de santé.
À l’échelle internationale, la justice a été confrontée à des cas de désinformation aux conséquences tragiques. Au Brésil, les propos du président Bolsonaro minimisant la gravité du virus ont fait l’objet de censure par les réseaux sociaux et de plaintes devant la Cour pénale internationale, sans aboutir à des sanctions juridiques directes.
- Sanctions disciplinaires pour les professionnels diffusant des informations contraires aux données acquises de la science
- Réticence des juges à arbitrer des controverses scientifiques complexes
- Responsabilité civile et pénale engagée dans les cas de tromperie délibérée
- Actions en cessation contre les contenus manifestement dangereux pour la santé publique
Ces différentes affaires révèlent la diversité des approches juridictionnelles face à la désinformation scientifique, oscillant entre protection de la liberté d’expression et impératif de protection de la santé publique. Elles mettent en lumière la nécessité d’une approche nuancée et contextualisée, adaptée à la gravité des allégations et à leurs potentielles conséquences.
Perspectives comparées: approches internationales de la désinformation scientifique
Les systèmes juridiques à travers le monde ont développé des approches distinctes pour réguler la désinformation scientifique, reflétant différentes traditions juridiques et conceptions de l’équilibre entre liberté d’expression et protection du public.
Aux États-Unis, la protection constitutionnelle du Premier Amendement limite considérablement les possibilités de sanction juridique de la désinformation, y compris scientifique. La jurisprudence de la Cour Suprême a constamment affirmé une conception extensive de la liberté d’expression. Dans l’arrêt United States v. Alvarez (2012), la Cour a invalidé une loi pénalisant les fausses déclarations concernant les décorations militaires, établissant que le mensonge per se n’est pas exclu de la protection constitutionnelle. Cette approche libérale explique la difficulté à sanctionner juridiquement la désinformation scientifique aux États-Unis, même lorsqu’elle présente des risques pour la santé publique.
À l’opposé, Singapour a adopté en 2019 la Protection from Online Falsehoods and Manipulation Act (POFMA), qui permet aux autorités d’ordonner la correction ou le retrait de fausses informations en ligne, y compris scientifiques. Cette législation controversée confère aux ministres le pouvoir de déterminer ce qui constitue une fausse information, avec des sanctions pouvant atteindre 1 million de dollars singapouriens pour les plateformes récalcitrantes. Bien qu’efficace pour lutter contre la désinformation, cette approche soulève d’importantes préoccupations quant aux risques de censure gouvernementale.
L’Union Européenne a privilégié une voie médiane avec le Code de bonnes pratiques contre la désinformation de 2018, complété par le Plan d’action pour la démocratie européenne de 2020. Ces instruments non contraignants encouragent l’autorégulation des plateformes numériques et la promotion de l’éducation aux médias. Le Digital Services Act adopté en 2022 renforce cette approche en imposant aux très grandes plateformes des obligations de transparence algorithmique et d’évaluation des risques liés à la diffusion de contenus préjudiciables.
Réponses sectorielles et spécifiques
Certains pays ont développé des approches ciblant spécifiquement la désinformation scientifique dans des domaines sensibles. En Allemagne, la loi sur l’amélioration de l’application des droits sur les réseaux sociaux (NetzDG) oblige les plateformes à retirer rapidement les contenus manifestement illégaux, incluant potentiellement certaines formes de désinformation sanitaire dangereuse.
Au Canada, les autorités sanitaires disposent de pouvoirs étendus pour agir contre les allégations trompeuses concernant les produits de santé. Santé Canada peut ordonner le rappel de produits faisant l’objet d’allégations scientifiquement infondées et imposer des amendes substantielles aux contrevenants.
Le Brésil a expérimenté une approche judiciaire active pendant la pandémie de Covid-19. Le Tribunal Suprême Fédéral a autorisé des enquêtes contre les propagateurs de fausses informations sanitaires, y compris contre des personnalités politiques de premier plan. Cette judiciarisation du contrôle de l’information scientifique soulève toutefois des questions sur l’indépendance du pouvoir judiciaire dans des contextes politiquement polarisés.
- Modèle américain: protection constitutionnelle extensive de la parole, même erronée
- Modèle singapourien: contrôle étatique strict des contenus informationnels
- Approche européenne: co-régulation et responsabilisation des plateformes
- Réponses sectorielles: régulations spécifiques dans les domaines de la santé
Ces différentes approches internationales illustrent la diversité des réponses juridiques possibles face à la désinformation scientifique. L’étude comparée de ces systèmes permet d’identifier les forces et faiblesses de chaque modèle, nourrissant la réflexion sur les évolutions souhaitables du cadre juridique français et européen.
Vers un nouveau cadre de responsabilité: propositions et perspectives d’évolution
Face aux limites des dispositifs juridiques actuels, plusieurs pistes d’évolution se dessinent pour établir un cadre de responsabilité plus adapté aux enjeux de la désinformation scientifique.
Une première approche consisterait à développer des mécanismes de régulation spécifiques pour la désinformation scientifique présentant un risque grave pour la santé publique ou l’environnement. À l’instar des dispositifs existants pour les médicaments ou les produits dangereux, un régime juridique distinct pourrait être instauré, permettant une intervention rapide des autorités compétentes lorsque des informations manifestement fausses et dangereuses sont diffusées massivement.
La création d’une autorité indépendante spécialisée constitue une piste complémentaire. Sur le modèle de l’ARCOM (ex-CSA) pour l’audiovisuel, cette instance pourrait réunir des experts scientifiques et juridiques pour évaluer les cas de désinformation scientifique les plus problématiques. Son action s’inscrirait dans une logique graduée: médiation, recommandations, mise en demeure et, en dernier recours, sanctions administratives. Cette approche présenterait l’avantage de la rapidité et de l’expertise, tout en préservant l’intervention judiciaire pour les cas les plus graves.
Le renforcement de la responsabilité des plateformes numériques apparaît incontournable. Au-delà des obligations générales du Digital Services Act, des dispositions spécifiques pourraient être envisagées concernant les contenus scientifiques à fort impact potentiel. L’obligation d’accompagner ces contenus d’informations contextuelles, de limiter leur viralité ou de consulter des experts indépendants avant modération constitueraient des avancées significatives.
Vers une responsabilité partagée et différenciée
L’approche la plus prometteuse réside probablement dans l’établissement d’un régime de responsabilité différenciée selon les acteurs et les contextes. Les obligations juridiques ne sauraient être identiques pour un scientifique s’exprimant dans une revue à comité de lecture, un médecin sur les réseaux sociaux, un journaliste dans un média grand public ou un simple citoyen partageant une information.
Pour les professionnels de la santé et les scientifiques, le renforcement des mécanismes déontologiques existants pourrait s’avérer plus pertinent qu’une judiciarisation systématique. Les ordres professionnels et les institutions académiques disposent déjà de procédures disciplinaires qui pourraient être adaptées aux enjeux spécifiques de la communication scientifique en ligne.
Concernant les médias, l’instauration de mécanismes de certification de l’information scientifique ou de droit de réponse accéléré constituerait une alternative intéressante aux sanctions judiciaires. Des dispositifs comme le Journalism Trust Initiative développé par Reporters sans frontières offrent des pistes pour valoriser les médias respectant des standards élevés de vérification factuelle.
Pour les plateformes numériques, l’accent pourrait être mis sur la transparence algorithmique et la redevabilité. L’obligation de rendre publics les critères de modération des contenus scientifiques et de documenter leurs décisions permettrait un contrôle plus efficace, tant par les régulateurs que par la société civile.
- Création d’un délit spécifique de désinformation scientifique grave et intentionnelle
- Établissement d’une autorité indépendante de régulation des contenus scientifiques en ligne
- Instauration d’obligations de diligence raisonnable pour les plateformes concernant les contenus scientifiques
- Développement de mécanismes de certification et de signalement des sources fiables
Ces différentes propositions ne sont pas mutuellement exclusives et pourraient être combinées dans une approche globale. L’enjeu fondamental reste d’établir un équilibre entre la protection nécessaire contre les informations dangereuses et la préservation du débat scientifique ouvert, indispensable au progrès des connaissances.
Au-delà du droit: vers une approche multidimensionnelle
Si le droit constitue un outil incontournable pour encadrer la responsabilité en matière de désinformation scientifique, une réponse juridique isolée demeure insuffisante. La complexité du phénomène appelle une stratégie multidimensionnelle, où les mécanismes juridiques s’articulent avec d’autres leviers d’action.
L’éducation aux médias et à l’information scientifique représente un pilier fondamental de toute stratégie efficace. Développer l’esprit critique des citoyens, leur capacité à évaluer la fiabilité des sources et à comprendre les fondamentaux de la démarche scientifique constitue une forme de prévention plus durable que la répression juridique. Des initiatives comme le programme EMI (Éducation aux Médias et à l’Information) en France ou le Digital Literacy Act aux États-Unis témoignent de cette prise de conscience.
Le soutien à un journalisme scientifique de qualité représente un autre axe stratégique. Face à la crise économique des médias traditionnels, le journalisme spécialisé figure souvent parmi les premières victimes des restrictions budgétaires. Des mécanismes de financement public, sur le modèle du Fonds pour l’innovation numérique de la presse, pourraient être spécifiquement orientés vers la couverture des sujets scientifiques complexes.
La promotion de la transparence scientifique constitue un levier complémentaire. L’accès ouvert aux données de recherche, la publication des méthodologies détaillées et la déclaration systématique des conflits d’intérêts renforcent la confiance dans les institutions scientifiques et limitent les possibilités de déformation des résultats.
Responsabilité éthique et autorégulation
Au-delà des mécanismes juridiques contraignants, le développement de l’autorégulation et de la responsabilité éthique des différents acteurs offre des perspectives prometteuses.
Pour la communauté scientifique, l’élaboration de chartes de communication responsable peut contribuer à prévenir les dérives médiatiques. L’initiative ALLEA (All European Academies) a ainsi développé un Code européen de conduite pour l’intégrité en recherche qui aborde explicitement les questions de communication scientifique vers le grand public.
Les plateformes numériques ont progressivement développé des dispositifs d’autorégulation face à la désinformation scientifique. Facebook a mis en place un programme de vérification des faits scientifiques en partenariat avec des organisations indépendantes comme Science Feedback. YouTube a adopté des politiques spécifiques concernant les contenus médicaux, privilégiant les sources institutionnelles reconnues. Ces initiatives, bien qu’imparfaites, témoignent d’une prise de conscience des responsabilités sociales des géants du numérique.
Les organisations professionnelles de santé et de recherche ont également un rôle majeur à jouer. L’Ordre des médecins français a ainsi publié des recommandations spécifiques concernant la communication médicale en ligne. Ces dispositifs déontologiques, adaptés aux spécificités de chaque profession, peuvent s’avérer plus efficaces et légitimes qu’une régulation juridique généraliste.
- Développement de l’éducation aux sciences et à l’information scientifique
- Soutien au journalisme scientifique indépendant et de qualité
- Promotion de la transparence et de l’intégrité dans la recherche
- Encouragement à l’autorégulation sectorielle et professionnelle
Cette approche multidimensionnelle reconnaît que la désinformation scientifique est un phénomène complexe aux racines multiples: économiques, technologiques, sociales et psychologiques. Si le droit doit sanctionner les cas les plus graves et intentionnels, une stratégie globale doit mobiliser l’ensemble des acteurs concernés pour construire un écosystème informationnel plus résilient.
La responsabilité en matière de désinformation scientifique ne saurait être exclusivement juridique. Elle engage l’ensemble de la société dans une réflexion sur notre rapport collectif à la vérité scientifique, aux experts et aux institutions. Le droit constitue un cadre nécessaire mais non suffisant pour relever ce défi fondamental pour nos démocraties à l’ère numérique.